La naissance d'un enfant prématuré est une étape de la vie familiale difficile à vivre au moment même. Pour la fratrie comme pour les parents, les choses se sont réalisées dans l'urgence, en bouleversant tout ce qui avait été préparé. La fratrie peut ne pas comprendre la situation et se sentir angoissée devant cet imprévu.
La naissance prématurée du bébé fait que parfois, les aînés n'arrivent pas à intégrer ce nouveau membre de la famille, ils peuvent avoir des difficultés à le concevoir comme une réalité tant qu'ils n'auront pas pu le voir d'eux-mêmes. De là, peut découler une impression de manque et d'insatisfaction, parfois réellement douloureuse. C'est pourquoi il faut répondre aussi clairement que possible à leurs questions et les autoriser à voir le bébé dès que les circonstances le permettent, afin de concrétiser son existence.
Les enfants montrent un réel intérêt face à la venue d'un nouveau membre dans la famille, mais la naissance prématurée apporte aussi son lot de contrariétés. Les enfants semblent vouloir accaparer les parents. L'intérêt que portent ceux-ci au nouveau-né, l'absence de la mère et son hospitalisation ainsi que tous les préparatifs de la naissance entraînent un déplacement apparent de l'amour parental. Ceci est présent aussi lors des naissances à terme mais la naissance prématurée peut augmenter considérablement ces perturbations.
Le vécu émotionnel de la fratrie s'exprime différemment en fonction de trois moments précis :
Ce sont des sentiments positifs qui dominent. Les enfants sont heureux de la grossesse de la maman, ils attendent impatiemment la venue de l'enfant.
Ce sont des affects négatifs qui dominent. Différents temps sont à distinguer : Le départ précoce de la maman est relié à des sentiments de peur, de douleur et de crainte de la mort du bébé mais aussi de la maman. L'absence de la mère, qui est le moment suivant, est une période de séparation qui est vécue par la fratrie comme étant trop longue et difficile. L'étape d'après est le retour de la maman, sans le bébé. Elle est vécue avec tristesse et inquiétude vis-à-vis de la situation. Ils sont déçus de l'absence du bébé, ils peuvent ne pas comprendre les raisons de l'hospitalisation du bébé et surtout la durée de celle-ci. Enfin, l'hospitalisation du bébé est certainement l'étape la plus compliquée pour les aînés. Ils se sentent exclus et ils ressentent ce sentiment avec beaucoup d'intensité. Ils ne peuvent pas entrer voir le bébé, cela les touche beaucoup. Un sentiment de jalousie est alors fréquent à cette étape. Ce sont les plus jeunes qui semblent les plus sujets à ce sentiment. L'inquiétude et l'empathie pour le bébé sont d'autres sentiments que l'on retrouve à cette période. Ils reconnaissent, avec leur sensibilité, la douleur du bébé, sa solitude, ainsi que la tristesse de la famille. Il y a donc une certaine ambivalence dans les sentiments des aînés.
C'est le désir d'avoir une famille réunie, avec le retour du bébé à la maison qui prédomine. Des sentiments de jalousie peuvent également s'exprimer. Certains enfants diront qu'ils ne sont pas jaloux mais qu'ils trouvent que la maman s'occupe trop du bébé !
En conclusion, on peut dire que la famille vit à cette occasion un temps de crise, pendant lequel les parents sont angoissés et ressentent beaucoup d'incertitude. Mais la fratrie traverse également cette période de crise et elle est malheureusement trop souvent laissée à l'écart. Il est important de prendre le temps de leur expliquer ce qu'il se passe, de les rassurer sur la place qu'ils ont au sein de la famille, et surtout, dans le cœur des parents.
Carole Méhan, Psychologue.