En approchant de lui, vous constatez que son joujou préféré vient de lui échapper. Et oui, comment récupérer ce joujou quand on ignore où il est et surtout quand on ne peut se remuer pour le chercher ; double frustration, plus de joujou et pas moyen de le rattraper.
La colère s'exprime entre autre quand on n'a pas ce qu'on veut. En grandissant, l'enfant apprend à la canaliser, c'est à dire à utiliser l'énergie de ce sentiment pour surmonter l'obstacle, pour traverser la difficulté, pour se faire respecter parfois.
Même venant de bébé, la colère peut parfois faire peur. Pourquoi ? Parce que souvent las adultes confondent violence et colère, deux sentiments différents menant à des comportements différents. La violence provient d'un sentiment d'angoisse et de solitude ; c'est un acte de désespoir. La colère, au contraire est un acte d'espoir, le signe d'un désir non reconnu ou non accompli mais qui tend à le devenir. Bébé hurle parce qu'il veut récupérer son joujou pour continuer à en retirer du plaisir.
Amélie se fâche parce que maman lui refuse un biscuit supplémentaire ; Antonio devient tout rouge quand il doit passer à table alors qu'il voudrait continuer à jouer. Laure crie en essayant d'arracher la poupée de sa voisine.
Bébé se fâche de la même façon dès que ses désirs sont contrariés. Et c'est toute la délicate entreprise de l'éducation qui va aider l'enfant soit à mettre en œuvre un comportement approprié pour obtenir ce qu'il désire ou ce dont il a besoin, soit à assumer la frustration. Car la réalité peut être frustrante : je peux désirer la poupée de ma voisine autant que je veux, cette poupée continue à lui appartenir. C'est à partir de cette frustration, que l'enfant pourra, à condition d'être bien accompagné, trouver et mettre en œuvre des comportements qui lui permettront à la fois de tenir compte de ses désirs tout en respectant l'autre.
Cette attitude est la base de toute vie familiale, conjugale, sociétale harmonieuse. Pour y arriver, l'enfant doit au préalable apprendre à discerner ses besoins de ses désirs et de ses envies. Les parents, qui portent une grande responsabilité à ce niveau, ont pour tâche de le guider et cela commence par lui apprendre à identifier et à reconnaître ce qu'il ressent : - «Tu es fâché, mon grand chéri, tu veux ton joujou ! Patiente une seconde, le temps que je te le ramasse» ou bien : - «Tu veux la poupée de Laure, non, tu ne peux pas. Tu as la tienne, celle-là appartient à Laure. Si tu veux la poupée de Laure, tu dois lui demander si elle est d'accord de te la prêter ou de te la donner.» ou bien : - «Tu veux continuer à jouer ; je te comprends, mon grand ; tu continueras demain. Ce soir, il est temps de s'arrêter, de manger et puis d'aller se reposer. Tu n'es pas content. OK. Tu peux être fâché et tu pourras continuer à jouer demain, mon chéri.». La plupart du temps alors, la colère de l'enfant reconnue en même temps que son désir, cette colère s'estompera.
Reconnaître l'émotion de l'enfant et l'accepter est primordial dans le processus éducatif. L'enfant est rassuré de connaître et reconnaître ses sensations, ses émotions et ses désirs. Il apprend à se découvrir et à découvrir la vie en toute quiétude. On n'est pas pareil à chaque instant ; les émotions, c'est comme une respiration ou comme les vagues, ça va et ça vient. Tout simplement, tout naturellement. Ce qui peut devenir problématique et source de conflit interne, c'est la non- reconnaissance de l'émotion (par ex. si l'enfant se fâche, on lui attribue le fait d'être fatigué ou encore, quand il s'agit d'une fille, on entend encore parfois des phrases stéréotypées telles que «Une petite fille ne se met pas en colère») ou le blâme : «Un enfant convenable ne se fâche pas» ou encore le chantage : «Regarde comme tu fais de la peine à maman».
L'enfant a besoin de se familiariser avec ces vagues d'émotions qui le traversent (toute émotion est d'abord expérimentée physiologiquement) pour les reconnaître et s'y appuyer afin de mettre cette énergie à son service dans un but constructif.
Pour un parent, cela demande d'être soi-même en accord avec ses émotions, et envers l'enfant, cela implique respect, patience et persévérance.
Nicole DUHAMEL, Psychologue, Psychothérapeute.