Que ce soit dans notre monde moderne ou dans les sociétés dites “primitives”, le maternage reste principalement une affaire de femmes. Pour certains auteurs, l'aptitude à materner provient des expériences précoces de la relation mère-fille. Cette même attitude est souvent inhibée chez les garçons. Le “maternage” partagé entre le père et la mère tel qu'on le voit de plus en plus risque de rompre avec cette tradition.
La comparaison des techniques de maternage à travers différentes cultures permet de relever des points communs et des différences dans la stimulation précoce du bébé et dans le lien mère-bébé. Il se dégage des “styles culturels” de maternage qui varient selon les cultures.
De nombreuses études ont mis en évidence l'avance motrice des bébés africains lors des premiers mois de la vie, puis une stagnation de leur développement au cours de la deuxième année. Cette précocité sensori-motrice s'explique par le mode de maternage traditionnel où le bébé est porté sur le dos de la maman et allaité à la demande. Le ralentissement aurait pour cause le traumatisme de la séparation et du sevrage, plus ressenti dans de telles conditions de vie des nourrissons.
Une étude menée chez les Kipsigis, une tribu du Kenya, a montré comment les mères y apprennent à leur bébé à s'asseoir, à se tenir debout et à marcher. Ainsi, ces mères creusent un trou dans le sol et calent le dos du bébé avec du sable. Ce bébé passe 60% de son temps assis. Ces mères font aussi sauter leur enfant dès l'âge de 1 mois sur les genoux afin de favoriser l'acquisition de la station debout et de la marche. Enfin, ces bébés ne sont allongés que durant 10% de leur temps d'éveil, pour 30% des enfants du même âge dans notre culture.
Au Sénégal, le sevrage est avant tout un rite de passage avant l'accession de l'enfant dans sa tranche d'âge. Il s'agit là d'une étape de l'évolution sociale du jeune enfant et non d'un traumatisme comme décrit plus haut.
L'avance sensori-motrice a été confirmée chez les nourrissons de la Côte d'Ivoire. Le bébé y effectue de nombreux déplacements sur le dos de sa maman. Il bénéficie ainsi de stimulations sensorielles variées, d'un climat affectif sécurisant et de nombreuses interactions sociales, toutes des conditions favorables à son éveil. Posé à terre, une éducation permissive lui donne accès à de nombreux objets utilitaires qu'il peut manipuler à son aise.
Chez les Kung, une tribu semi-nomade d'Afrique australe, les enfants sont sevrés vers 4 ans. L'allaitement y est complété dès 6 mois par des aliments prémastiqués. Le bébé Kung est aussi porté longtemps sur le dos de sa mère et il passe 70% de son temps au contact de sa mère (pour 20% environ dans nos pays occidentaux).
Dans beaucoup de sociétés africaines, les mères passent également de nombreuses heures à masser leur bébé et à le mobiliser. Ce contact est, lui aussi, favorable à l'éveil du bébé.
En Inde aussi, on retrouve une même attitude de proximité entre la mère et son enfant :
Tous ces soins sont donnés sur le corps de la mère, celle-ci étant assise sur le sol. L'enfant s'endort au contact de la mère ou bercé dans un hamac. Le maternage indien abonde en stimulations.
A l'inverse, on trouve une plus grande distance entre la mère et son bébé dans nos sociétés occidentales : chambre de bébé avec lit distinct de celui des parents, landau, table à langer, bébé parfois nourri à heure fixe, ... induisent une certaine distance entre la mère et l'enfant. Par contre, les contacts visuels et les échanges verbaux y sont nettement plus favorisés.
Il s'agit là de grandes tendances et aucune méthode ne se veut ni exclusive, ni meilleure qu'une autre.
Au Brésil, la proximité entre la mère et son bébé est médiatisée par l'usage du hamac. Le bébé brésilien s'endort dans les bras de sa mère qui se berce dans son hamac. L'enfant endormi est ensuite déposé dans son berceau-hamac. Dans cette culture, la mère cherche plus à apaiser son bébé qu'à le stimuler. La proximité mère-bébé est la meilleure protection contre la mortalité infantile, fort importante dans cette région.
La structure de la famille joue aussi un rôle important pour les soins aux bébés et leur transmission. La famille élargie, caractéristique dans les sociétés traditionnelles, favorise la coopération des femmes au maternage. La transmission des modes de soin se fait entre les femmes des différentes générations de la famille. Au contraire, dans les familles nucléaires des sociétés occidentales, la jeune mère a souvent moins de repères pour les soins aux bébés. Elle est plus anxieuse et à défaut d'avoir une mère à qui demander conseil, elle trouve ses infos dans des livres (ou sur Internet !).
Beaucoup de ces comportements issus des sociétés traditionnelles se retrouvent maintenant “importés” dans notre culture. Beaucoup de mamans ont opté pour un sac ventral ou latéral pour le transport de leur bébé, les massages des bébés deviennent pratique courante, les bébés sont nourris à la demande, souvent au sein, ... Les bébés profitent ainsi des avantages issus des différentes cultures.
Anne Reymaekers, Licenciée en sciences familiales